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Bobignon, n’est plus maire. Effaré de la tournure qu’ont prise les choses, cherchant inutilement à deviner quel sera, parmi les partis en lutte, le plus fort auquel il conviendra de faire des avances, haï par les bourgeois radicaux et les ouvriers, qu’il a jusqu’alors combattus, en défaveur auprès de des Gourdes, qui l’a trouvé trop mou, Bobignon a donné sa démission.

Et, chose incroyable, que nul n’eût osé soupçonner quelques semaines auparavant, c’est Ouvard, l’ouvrier mineur, le secrétaire du syndicat, qui a été élu à sa place.

La foudre tombant sur le baron et la baronne des Gourdes ne les eût pas écrasés davantage. Décidément, le monde se transformait, les esclaves de la veille devenaient les maîtres du lendemain ; se pourrait-il qu’il arrivât un moment où il n’y aurait plus de maîtres du tout ?

Rendons justice à Ouvard : c’étaient ses camarades et non lui-même qui avaient eu l’idée de sa candidature. Sans doute une certaine ambition lui était-elle poussée au cours de la grève qui avait mis en lumière ses qualités d’organisateur laborieux et habile. Mais il ne songeait pas à tirer un profit personnel de la situation, lorsque Pichon, le secrétaire adjoint du syndicat, était venu lui dire au nom d’un comité soudainement formé :

— Ouvard, il faut que tu te présentes. Jamais encore les ouvriers n’ont porté de candidat de leur classe contre les bourgeois. Nous comptons sur toi.

Ouvard était demeuré un instant rêveur. Allait-il rester l’obscur travailleur militant au milieu de ses camarades ou surgir de la foule ouvrière et tenter de devenir un personnage officiel ? Il consulta Bernard qui lui répondit : « Accepte ! » et Détras qui murmura, en haussant les épaules : « Bah ! encore plutôt toi qu’un autre ! » Il accepta et fut élu à 1,002 voix