Page:Malato - La Grande Grève.djvu/484

Cette page a été validée par deux contributeurs.


XVI

ASSOCIÉ DE DÉTRAS


Dans une boutique claire et spacieuse de la rue Nationale, à Chôlon, boutique nouvellement ouverte et portant cette enseigne en lettres vertes sur fond blanc : Laiterie, produits de la Ferme nouvelle, assis côte à côte au comptoir, comme deux éternels amoureux plutôt que comme des marchands, causent Galfe et Céleste.

Autour d’eux, à la vitrine, aux étalages intérieurs et sur de larges tables, s’amoncellent beurre, fromages blancs, œufs, légumes. Des jarres sont emplies jusqu’au bord d’un lait crémeux dont le poids n’est jamais augmenté indûment par un mélange d’eau et de craie.

Tous ces produits leur sont expédiés quotidiennement de Mersey par Détras.

— La journée d’hier n’a pas été mauvaise, dit Céleste en riant. Neuf francs cinquante de bénéfice net. De quoi devenir à notre tour des bourgeois.

— Je t’en prie, fait Galfe, ne parlons pas arithmétique : cela gâterait notre bonheur.

— Rassure-toi ! Je n’aurai jamais l’âme d’une rentière : pourvu que nous arrivions à vivre et à justifier la confiance de nos amis, tout sera bien.

— Tu as raison. C’est égal : que d’événements accomplis depuis deux mois !

Deux mois, en effet, se sont écoulés depuis la fin de la grande grève, et si l’aspect extérieur de la petite ville minière, aux maisons sombres et aux toits rouges, n’est point changé, c’est une autre vie morale qui y bourdonne, plus indépendante, plus fière.

Tout d’abord, le tyranneau local, le grotesque