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de drapeaux — drapeaux tricolores mais largement cravatés de rouge — parcoururent les rues de Mersey au chant de la Carmagnole. Au Fier Lapin et dans tous les établissements publics qui, maintenant, s’ouvraient aux syndiqués, des fêtes familiales, des concerts, des bals, célébrèrent le commencement d’une ère nouvelle. Enfin, comble de l’audace, deux mannequins bourrés de paille et figurant l’un Moschin, l’autre Michet, furent brûlés solennellement, au milieu des cris de triomphe de six mille personnes, sur la côte de Vertbois, en face la Ferme nouvelle. Le préfet, peut-être par prudence, peut-être content au fond du cœur de voir donner une leçon à la Compagnie, s’abstint de faire intervenir la police.

Ces réjouissances, expression d’un sentiment populaire qui, longtemps comprimé, se satisfaisait, furent terminées par un grand meeting au café du Commerce, dans une salle deux fois plus vaste que celle du Fier Lapin et où, cependant, tous ne purent trouver place. Chaulier, Toucan, Paryn, Brossel et la citoyenne Lesoir, éloquente conférencière arrivée de Paris, discoururent. Les uns célébrèrent la victoire des travailleurs ; les autres, les plus prévoyants, engagèrent ces travailleurs à demeurer indissolublement unis en vue des nouvelles luttes que leur réservait l’avenir.

Le dimanche suivant, l’abbé Carpion, au moment de célébrer le sacrifice de la messe, entra dans une sainte colère en constatant que son église, naguère comble, était à moitié vide. Dans son indignation, il faillit s’étrangler en avalant l’hostie.

Les mineurs avaient maintenant conquis le droit de penser librement.