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en France le régime parlementaire ; c’étaient les communards et socialistes qui avaient maintenu la République ; qui sait ? ce seraient peut-être un jour les anarchistes qui instaureraient le socialisme, laissant à d’autres hommes affublés d’une autre étiquette la tâche de réaliser l’idéal libertaire dans un temps plus éloigné !

Quant à Détras, il s’enthousiasmait moins encore que ses deux amis sur la valeur de l’accord conclu. Pas plus que Bernard, il n’avait eu voix dans les délibérations des délégués, puisqu’il n’appartenait plus à la corporation, mais son influence et son rôle avaient été notables.

Son sentiment personnel eût été de ne pas désarmer, de pousser de l’avant sans s’attarder aux négociations, en donnant à la grève un caractère le plus offensif possible. Peut-être alors eût-on ouvert la voie aux transformations économiques. Sait-on jamais à l’avance quel est le mouvement qui ne se transformera pas en révolution ? Certes la question était d’assurer pendant ce temps la subsistance des familles de grévistes. Pour cela, il eût fallu user des grands moyens qu’on n’hésite pas à employer dans une ville assiégée : le syndicat se substituant à l’action municipale et, devenu une sorte de commune révolutionnaire, agissant d’initiative, réquisitionnant, prenant où il y avait non pour chaparder individuellement mais pour donner à tous.

— C’est un rêve, lui dit Ouvard. Tu te seras endormi en relisant les histoires de 93.

— Peut-être, concéda Détras, mais puisque les hommes d’aujourd’hui sont trop avachis ou pas encore assez conscients pour agir ainsi, il faut au moins tirer de la situation présente ce qu’elle peut donner, empêcher les enthousiasmes de se dissoudre en fumée et marquer notre victoire, si victoire il y a.

C’était l’avis général. Aussi les démonstrations se succédèrent-elles ; des cortèges ouvriers, précédés