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Les négociations n’en étaient pas moins entamées. Déjà, une détente se faisait. Des Gourdes ne parlait plus de lâcher ses chiens sur les délégués des grévistes et, parmi les familles des mineurs, la perspective d’une prochaine solution du conflit mettait de la joie et de l’espérance.

Ouvard et ses amis s’efforçaient bien de tenir en mains l’armée des grévistes, car ils appréhendaient la période des négociations plus que la lutte ouverte. Grâce à l’élan de solidarité, aux envois de secours en argent et en vivres, et surtout à l’abnégation stoïque des mineurs qui, ne dépensant plus de forces musculaires, trouvaient le moyen de vivre pour ainsi dire avec rien, la grève durait depuis deux semaines. Des Brisotins, les uns avaient trouvé à s’embaucher comme manœuvres dans de petites localités, d’autres étaient retournés au Brisot, clamant que Schickler avait outrepassé son droit en les envoyant contre la grève ; il en restait à Mersey une soixantaine, qui subsistaient tant bien que mal avec les grévistes. Et Schickler, de plus en plus inquiet de voir se généraliser l’esprit de révolte dans toute la région, vint à son tour à Mersey, pour presser des Gourdes d’en finir.

Sa morgue patronale venait de recevoir un coup terrible : un syndicat ouvrier était, pour ainsi dire, sorti de terre au Brisot même, comptant tout de suite quatre cent cinquante adhérents et donnant le branle à la masse de ses serfs. En deux jours, une collecte pour les grévistes de Mersey avait réuni huit cent quinze francs ; du train dont allaient les choses, c’était la grève qui menaçait d’éclater au Brisot même.

Grève générale ! révolution sociale ! Cette vision épouvantait Schickler sans obscurcir sa netteté d’esprit.

La liquidation sociale, sans doute, pourrait-on l’ajourner, en opposant la force ouvrière à elle-même, les syndicats jaunes aux syndicats rouges. Ce serait,