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— Oh ! les maîtres !

— Mais oui. Vous ne sauriez croire, vous qui ne vivez pas au milieu d’eux, toutes les billevesées furieuses qui peuvent éclore dans la tête de ces gens-là sous l’influence des meneurs. Vous les voyez se rendant paisibles, silencieux, à leur travail et vous dites : « Les braves travailleurs ! » Revoyez-les deux jours après, quand la grève a éclaté et vous ne les reconnaîtrez pas.

Toutes les déclamations révolutionnaires et scélérates, la destruction des églises, la socialisation des moyens de production, l’égorgement des bourgeois, ont trouvé en eux leur écho.

— Raison de plus pour clore cette période dangereuse, dit le préfet en regardant fixement des Gourdes, comme pour scruter sa pensée intime.

Le baron soutint ce regard interrogateur avec une impassibilité absolue.

— Je veux bien, répondit-il, d’un ton qui ne trahissait pas la plus légère émotion. Si les ouvriers se montrent raisonnables, la Compagnie, elle, pourra se montrer généreuse.

Le préfet eut cette phrase naïve :

— Voyez-vous, l’essentiel est que, de part et d’autre, on ait de la bonne volonté, car vos intérêts ne sont nullement inconciliables.

Brave homme qui croyait à l’harmonisation des intérêts du maître et de l’esclave !

— Soit ! fit des Gourdes avec bonhomie, si vous pouvez trouver un terrain d’entente qui ne lèse en rien les droits de la Compagnie que j’ai le devoir de sauvegarder.

— Écoutez, dit le préfet, quand les chefs se montreraient polis avec les mineurs pendant le travail, les droits de la Compagnie n’en souffriraient pas.

— Certes non. Je ne sache pas, d’ailleurs, que les mineurs aient eu à se plaindre sérieusement à ce point de vue-là. Des paroles un peu fortes sont sou-