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— Mais, continua Mme  des Gourdes, mon avis est que vous feriez mieux de ne point traiter.

Pour la première fois, le baron se trouva en divergence d’idées avec sa femme. Ne point traiter, oui, parbleu ! il n’eût pas mieux demandé et avant sa conversation au téléphone avec Schickler, c’était encore son sentiment. Mais, maintenant, il estimait que se buter obstinément était moins pratique que d’agir de ruse : l’élève des bons pères reparaissait en lui. Et son esprit s’arrêtait non sans une complaisance machiavélique à cette idée de se servir du préfet qu’il haïssait comme d’un paravent pour sauvegarder l’honneur de la Compagnie. En même temps, comme toutes les promesses faites aux ouvriers seraient violées, l’exaspération des travailleurs ne tarderait pas à s’élever contre le représentant de l’État, qui les aurait induits en erreur. Détesté des ouvriers, enveloppé d’attaques et d’intrigues par les conservateurs, Blanchon serait enfin déraciné : on se trouverait débarrassé de lui.

— Oui, murmura des Gourdes, c’est la bonne tactique.

— Je ne crois pas, soupira son Égérie conjugale. Enfin, si vous croyez avoir raison, faites !

Les actionnaires et le conseil d’administration de la Compagnie de Pranzy, c’était, en réalité, le baron des Gourdes qui, à lui seul, possédait la plus grande partie des actions. Cela lui permettait, tout en tenant sa personne à couvert, d’agir dictatorialement. De sa seule volonté dépendait la continuation ou la fin de la grève.

— Je ferai parler au préfet par l’abbé Carpion, dit-il.

La baronne approuva d’un geste de tête.

Puisqu’on était résolu à une intervention du préfet, autant valait que ce fût le curé qui la sollicitât en son nom personnel. C’était son rôle, à ce pasteur, de venir plaider au nom de la religion de miséri-