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semblaient menacer quelque personne invisible et lointaine, peut-être Schickler.

Le mineur qui avait répondu à Galfe murmura très bas, comme se parlant à lui-même :

— Nous aussi, nous avons des femmes et des enfants. C’est pour cela que nous devons nous soumettre…

Cependant, le troupeau humain avait ses bergers, des contremaîtres gardant et surveillant les mineurs en attendant l’arrivée de Troubon, Moschin et Villemar qui devaient les conduire aux puits. L’un de ces contremaîtres aperçut un homme haranguant son monde. Furieux, il accourut.

— Voulez-vous bien me foutre le camp ! cria-t-il à Galfe.

Il se précipitait sur lui, brandissant un bâton. Prompte comme l’éclair, Céleste se jeta devant son amant et reçut le coup de bâton. Le bâton la frappa à l’épaule si rudement que la courageuse femme chancela sans pouvoir retenir un cri de douleur. Un écart de quelques centimètres, elle eût été assommée.

Éperdu, voyant rouge, Galfe se lança sur le contremaître d’un élan si terrible qu’il le renversa. L’instant d’après, il lui avait arraché son bâton, qu’il brandissait, s’écriant d’une voix éclatante :

— Ah ! lâches ! Il ne vous suffit pas d’affamer vos frères de misère ! Il vous faut encore assassiner des femmes ! Vendus !

Plusieurs contremaîtres s’étaient élancés, menaçant Galfe. Mais cette scène avait achevé de remuer les ouvriers. Au fond, la plupart d’entre eux détestaient Schickler ; même les plus inconscients, ceux qui croyaient à la nécessité des patrons, se disaient qu’il était le maître, l’exploiteur. En outre, l’individu qui avait frappé Céleste était un des gardes-chiourmes les plus haïs des serfs du Brisot. Sa chute produisit un effet magique.