religion et à ses ministres, mais assez intelligent pour ne plus y croire lui-même.
Schickler l’écoutait en hochant la tête.
— Oui, murmurait-il, dans ce que vous dites, il y a du vrai, mais vos conclusions sont fausses. Vous comptez sans les déclassés qui sont tombés dans ce prolétariat et y agissent comme un ferment. Ce sont les déclassés de la noblesse qui ont fait la révolution bourgeoise ; ce sont les déclassés bourgeois qui poussent à la révolution ouvrière. Et puis, les travailleurs s’organisent, leur force grandit ; que ce soit sous l’impulsion de la misère ou sous celle des idées, ils feront un jour la révolution et seront les maîtres. Tâchons, du moins, que ce soit le plus tard possible.
Ces paroles impressionnaient des Gourdes, malgré son demi-scepticisme. Il ne pouvait s’empêcher de se demander si son hôte n’avait pas raison, si les prolétaires, au lieu de former une race de dégénérés, n’étaient point la grande réserve des énergies humaines non mortes, mais en sommeil, destinée à submerger un jour l’aristocratie de l’or, comme jadis avait été submergée l’aristocratie de la naissance. Oui, malgré ses efforts pour croire à la victoire finale des castes, il ne pouvait se dissimuler que la situation était grave. Ah ! si la grande conspiration tramée contre la République depuis un quart de siècle eût réussi, instaurant au pouvoir un homme de volonté, décidé à ramener la société à plus de cent ans en arrière ! Mais dans cette œuvre de salut pour les possédants, les Mac-Mahon et les Broglie avaient échoué ; aucun ne s’était senti la force et le prestige nécessaires pour aller jusqu’au bout. Seul, un roi, incarnant le suprême principe d’autorité, pourrait accomplir cette tâche colossale.
— Oh ! un roi ! murmura-t-il songeur.
— Un roi ou un empereur, peu importe ! fit Schickler.