Page:Malato - La Grande Grève.djvu/446

Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’élevait à douze mille ; les collectes pour soutenir la grève s’étaient élevées à quatre mille cinq cent quarante-sept francs quatre-vingts centimes, somme à laquelle il fallait ajouter sept cent quatre-vingt-quinze francs, résultat des réunions et conférences.

— Tout de même, interrompit Sarrazin, ce n’est pas beaucoup. Les autres ont autant de millions que nous avons de pièces de cent sous.

— C’est pour ça que la grève des bras croisés est une mystification, dit gravement Détras. C’est autre chose qu’il faudrait.

— Chut ! fit Paryn, laissez-le continuer.

Ouvard reprit son exposé. Évidemment, ces quelques fonds n’étaient qu’une bouchée, une aide morale plutôt que matérielle. Cependant, la situation n’était pas mauvaise ; les grévistes se serraient un peu le ventre, mais la Compagnie faisait de grosses pertes. Les cinq cent soixante-quinze qui travaillaient encore — car il possédait le chiffre exact — ne rapportaient pas assez pour compenser les frais. Le directeur-gérant avait refusé de recevoir les délégués, mais que les ouvriers tinssent encore deux semaines et il commencerait peut-être à réfléchir.

— Et les jaunes ! cria Dubert.

Là était la grande question. Tous avaient lu le manifeste signé « un groupe de mineurs ». Il fallait s’attendre à une lutte furieuse mêlée de surprises : la Compagnie ne se laisserait pas vaincre facilement ; elle avait pour elle le nombre de millions, les grévistes n’avaient pour eux que le nombre d’hommes. Dans la société actuelle, l’homme n’est rien, le million est tout.

— Camarades, dit Ouvard, le coup que nous dévoile le manifeste anonyme d’aujourd’hui n’est pas une surprise pour moi. Je prévoyais quelque chose comme cela. La tactique de la Compagnie devait être forcément d’opposer ouvriers à ouvriers.