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voir dire tout haut ce que, depuis tant d’années, on pensait tout bas. Et c’était aussi un éveil, un mouvement d’idées dont il pourrait sortir quelque chose.

La salle et la cour du Fier Lapin avaient été trop exiguës pour contenir la foule des auditeurs. Plus de trois cents personnes étaient restées à la porte faute de place, se consolant de ne pouvoir entrer en acclamant de confiance les orateurs et poussant le cri, répété toutes les deux minutes, de : « Vive la grève ! »

Pour donner satisfaction aux assistants, le meeting avait été dédoublé : une réunion se tenait dans la salle, sous la présidence de Bernard acclamé d’une seule voix, hommage au dévouement de l’ancien mineur ; une autre, dans la cour, sous la présidence de Paryn, assisté de Toucan et d’Ouvard. Les orateurs, se frayant, non sans difficulté, un passage à travers la foule compacte, allaient d’une réunion à l’autre, recommençant le discours déjà prononcé. Cela leur faisait double fatigue, mais le public était content.

Des assistants s’étaient juchés sur le mur de la cour, dans l’embrasure des fenêtres ; des grappes humaines se pressaient sur des échafaudages improvisés. Les fenêtres de l’établissement donnant sur la cour étaient toutes prises d’assaut. De la sorte, environ sept cents personnes avaient pu, en s’écrasant, voir et entendre.

La police — signe des temps ! — n’était pas intervenue. À la porte du Fier Lapin stationnaient une demi-douzaine d’agents qui, avec une aménité bien inaccoutumée, se bornaient à dire aux gens massés devant l’établissement : « Allons, circulez ! » sans accompagner cette injonction d’arguments frappants.

— Décidément, il y a quelque chose de changé à Mersey, pensaient les vieux habitants en hochant la tête.

La double réunion se terminait par un ordre du jour, décidant la continuation de la grève et acclamé