— Lequel ?
Moschin s’était reculé par discrétion et se préparait même à prendre congé. Mme des Gourdes le rappela délibérément :
— Restez donc, Moschin. Ceci ne doit pas être un secret.
Et, s’adressant à son mari, elle ajouta :
— Demandez au Brisot deux ou trois cents mineurs. Vous les aurez tout de suite.
— À Schickler ! se récria des Gourdes.
— Mais oui, à Schickler. N’est-il pas menacé comme vous par une révolte possible de ses ouvriers ? N’est-ce pas son propre intérêt de vous aider à étouffer la grève de Mersey, afin d’empêcher qu’elle ait sa répercussion au Brisot ?
Des Gourdes demeurait songeur. L’orgueil luttait en lui avec l’intérêt : d’un côté Schickler, c’était le concurrent, le concurrent richissime, privilégié, héritier d’une prestigieuse dynastie et tellement fort que jamais son troupeau ouvrier n’avait osé affronter la lutte. Recourir à son aide, c’était proclamer son infériorité, humilier le blason devant le coffre-fort.
Pourtant, il n’existe plus aujourd’hui qu’une seule aristocratie réelle : l’aristocratie d’argent. Puis, d’autre part, Schickler et des Gourdes n’appartenaient-ils pas, l’un avec plus de millions, l’autre avec des parchemins, à la même caste dirigeante, en butte aux mêmes haines, aux mêmes colères ? Le péril de celui-ci aujourd’hui ne pouvait-il devenir le péril de celui-là demain ? Rivaux en période de calme social, les capitalistes n’ont-ils pas tout intérêt à s’unir en temps d’orage ?
Que Schickler pût lui céder une partie de son bétail ouvrier, la chose ne faisait pas de doute. Au Brisot l’exploitation minière n’était qu’un accessoire ; c’était l’industrie métallurgique qui dominait, prenant chaque jour des proportions plus colossales. Contre un millier de mineurs, les hauts-fourneaux,