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— Tenez, citoyen Baladier.

— Vous me connaissez donc ? exclama le mouchard.

— J’étais à votre conférence.

— Eh bien, puisque vous êtes des nôtres, gardez ces brochures et choisissez-en d’autres.

Ces paroles furent naturellement accompagnées d’une poignée de main. Offrir des brochures à Galfe, c’était le prendre par son point vulnérable : on causa très longuement, Baladier s’efforça de prêcher l’anarchie avec une telle apparence de sincérité que le jeune homme lui dit au bout de deux minutes :

— Je suis anarchiste.

— Enfin ! s’écria l’agent de Drieux, je trouve donc un homme !

Il cassa la croûte avec Galfe tout en lui racontant, frénétique d’enthousiasme, comment Carlo Cafiero, jeune et millionnaire, avait exposé sa vie et sacrifié sa fortune pour la révolution sociale. En partant, il laissa au jeune homme le livre qu’il lisait lorsqu’il le rencontra, l’Éternité par les astres, de Blanqui.

— Je suis pour quelque temps dans la région, dit-il avec un sourire mystérieux, je reviendrai le prendre quand vous l’aurez lu.

Il était revenu, en effet, tout en recommandant à Galfe de ne pas parler de ces visites. Il avait des raisons très sérieuses, disait-il, pour laisser ignorer sa présence ; les mineurs se trompaient en croyant qu’on peut toujours dire tout haut ce qu’on pense, et ce qu’on fait.

Justement parce qu’il avait vécu isolé, sans un ami à qui confier le trop-plein des idées qui le tourmentaient, Galfe éprouva un irrésistible besoin d’ouvrir son cœur à Baladier, à la discrétion duquel il fut bientôt complètement.

Indépendamment de Michet, brûlé, et de Galfe, sincère, bon pour un acte isolé mais resté jusqu’ici