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— Mais je parle très sérieusement, fit Détras. Voyez plutôt.

Du geste, il indiquait la cour absolument vide.

— Ils sont partis ! s’écria Pidurier, frémissant de rage.

— Mais oui, ils sont allés tranquillement se coucher.

Et dans ces paroles de l’ancien forçat, il y avait comme une imperceptible note de regret. Peut-être eût-il préféré voir les six mille grévistes tenir tête à cette poignée de gendarmes et de soldats.

Mais le commandant Baquet n’était pas assez psychologue pour saisir cette nuance.

— Ma foi, dit-il, ils ont bien fait de filer, ça nous a épargné de cogner dessus.

Le commissaire eût bien voulu mettre Détras en état d’arrestation ; mais il n’osait, devant l’attitude modérée du commandant. Et puis quel prétexte invoquer ? Le fait d’aider à s’en aller des grévistes sommés de se disperser, ne pouvait être véritablement considéré comme une révolte à la loi.

Geneviève et Panuel arrivaient à ce moment de l’autre extrémité de la ferme. Ils avaient accompagné à quelque distance les grévistes pour s’assurer que rien ne s’opposait à leur retraite. Certains que tout allait bien de ce côté, ils s’en revenaient, causant des événements de la soirée. En apercevant Détras en pourparlers avec trois hommes, ils se hâtèrent de le joindre.

Les regards du commissaire et de Geneviève se croisèrent. Sous l’œil furibond de Pidurier, la courageuse femme ne se sentit pas intimidée ; sa vie d’épreuves stoïquement supportées l’avait mise bien au-dessus de toute peur irraisonnée de l’autorité. Au contraire, elle soutint le regard du commissaire comme autrefois elle avait soutenu celui de son prédécesseur Touvenin. En même temps, quelque chose comme un sourire de dédain vint se jouer sur ses