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marins, colons, flétrissant de leur mépris le troupeau muet des condamnés sans savoir qui étaient ces hors-la-société, quels actes ils avaient commis.

Ouvard lut cette pensée amère sur le visage de l’amnistié.

— Évidemment, je sais bien, fit-il, l’opinion, cette déesse, n’est souvent qu’une prostituée. N’importe ! Elle existe, elle compte : il faut tâcher de l’avoir pour soi.

Malgré tout, Ouvard eût voulu, lui aussi, accentuer le programme des revendications ; mais il se disait qu’il n’était pas prudent de forcer la note. Si le syndicat, qui représentait l’avant-garde ouvrière, s’en contentait, il était vraisemblable que, pour la masse des mineurs, c’était tout ce qu’on pouvait prétendre obtenir en ce moment.

Cette pensée : maintenir la communion du syndicat et de la masse ouvrière, dominait Ouvard. Il pressentait le projet de Moschin : guetter le moindre tiraillement des mineurs pour constituer un syndicat jaune. Il était non moins indispensable que la sympathie générale non seulement à Mersey, mais dans le département et dans toute la France allât aux grévistes et poussât les pouvoirs publics à intervenir en leur faveur, car une question primordiale se dressait : celle de la subsistance.

— Comment nourrir les grévistes et leurs familles si le conflit s’éternise ? demanda-t-il à Détras et Bernard.

— Eh ! avait répondu le premier, il ne faut pas qu’il s’éternise ou, autrement, il ne restera plus qu’un moyen : prendre où il y a.

— Piller ! fit Ouvard en fronçant le sourcil. C’est un expédient de désespoir.

— De guerre sociale.

— Si tu veux, mais nous n’en sommes pas encore là. Si seulement la municipalité était socialiste révolutionnaire, elle réquisitionnerait pour nourrir