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Détras eut une moue dédaigneuse.

— Quoi ! fit-il, c’est pour réclamer si peu de chose qu’on aura mis tout le pays en mouvement.

Il regardait Bernard. Celui-ci hochait la tête, perplexe.

— En effet, murmura-t-il. Cela ne me satisfait pas entièrement. Il y manque je ne sais quoi, une affirmation du droit des mineurs à la richesse produite, quelque chose qui réserve l’avenir.

Ouvard haussa les épaules.

— Vous voilà bien partis pour le pays des rêves, dit-il. Si pâles que vous paraissent ces revendications, je suis bien sûr que la compagnie les trouvera encore trop rouges.

— Oh ! pour cela, c’est certain, murmura Bernard, mais enfin, ce n’est pas une raison. Il faut profiter du courant qui nous porte pour aller aussi loin que possible.

Le secrétaire du syndicat demeura quelques instants songeur.

— Écoutez, dit-il enfin, moi aussi je comprends qu’il faut demander beaucoup pour avoir peu. Mais tout de même, si on demande par trop, on n’obtient rien du tout.

— Quoi que tu demandes, fit Détras, tu te heurteras à l’opposition de la Compagnie. Alors, refus pour refus, autant s’affirmer catégoriques.

Bernard approuvait de la tête. Ouvard eut un léger mouvement d’impatience.

— Avec cette différence, déclara-t-il, que si nos propositions sont acceptables, nous serons soutenus par l’opinion publique…

— Oh ! l’opinion publique ! prononça Détras.

C’était à lui-même qu’il se parlait. L’ancien forçat revoyait ses compatriotes terrorisés au moment du procès de la bande noire, et n’octroyant aux victimes pour toute aide qu’une pitié platonique. Il revoyait, à la Nouvelle, les hommes libres, civils,