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Galfe était anarchiste et se disait qu’aucun homme n’a le droit de commander à un autre.

Il voyait bien de profondes différences d’intelligence, de goûts et de tempérament entre les individus ; mais il pensait que, une fois le milieu social transformé, ces différences s’atténueraient et s’harmoniseraient. Quant à cette transformation du milieu, évidemment elle ne pourrait s’accomplir que par des moyens terribles, les seuls efficaces. On prêchait au peuple la patience : parbleu ! c’est bien facile, quand on a le dos au feu, le ventre à table. Et le peuple était toujours assez bête pour écouter ce boniment, accompagné de temps à autre d’une petite bribe de réforme qui ne réformait rien du tout ! Comme si espérer le Paradis après la mort ou la transformation sociale dans mille ans ne revenait pas au même !

Personne ne soupçonnait les opinions de Galfe, quand Ronnot lança l’idée de sa société de secours mutuels. Au puits Saint-Pierre, où travaillait le jeune homme, tous les camarades furent prévenus à l’exception de quatre ou cinq qui passaient pour trop bien avec Michet. Quant à Galfe, sa sauvagerie n’était pas un motif pour qu’on se défiât de lui, bien au contraire : on l’informa et il donna son adhésion.

Et il arriva, ce que n’avait pas prévu Galfe, que ce fut lui qui se signala aux yeux scrutateurs de Michet. Jusqu’à ce jour, le mouchard de la mine n’avait pas pris garde au jeune homme, le voyant taciturne et en dehors de toutes les coteries. Épais d’intelligence, il s’attachait plutôt à la surveillance des bruyants, tout en gueule, dont la révolte s’épanchait en discours.

En apercevant Galfe dans la forêt, il eut une surprise : il le prenait pour un ouvrier modèle, c’est-à-dire sans pensée, acceptant sa sujétion de salarié comme une fatalité toute naturelle. Est-ce que, par