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des gouvernements, des religions, des lois, c’est l’astronomie. Comment pourrait-on croire au caractère sacré des fictions acceptées par l’inconscience humaine, lorsqu’on voit le peu de place qu’occupent dans l’univers notre humanité et la terre elle-même, lorsqu’on voit la vie se continuer en dehors de nous sous toutes les formes, incessamment changeantes ? Le poète et le voyant se confondent et c’est pourquoi aussi des astronomes-poètes comme Flammarion se révèlent souvent anarchistes !

Là, dans ce nid d’amour du bois de Faillan, Galfe et Céleste vivaient leur beau rêve, oubliant leurs misères passées, oubliant même la grève qui grondait à deux pas d’eux dans Mersey.

Pourtant, lorsqu’il se rendait en ville porter le linge aux clients, Galfe rencontrait des groupes de mineurs, des patrouilles de soldats et de gendarmes, des murmures de colère montaient jusqu’à lui et parfois alors un frisson le secouait. Brusquement, il revoyait sa vie passée, le travail d’esclave au fond des puits, la révolte, la dynamite, le bagne.

Et dans le rappel de ce drame vécu, toute sa chair de prolétaire frémissait. Quelquefois, au passage, il s’arrêtait chez Détras pour lequel il se sentait une sympathie réelle. Il leur arrivait de vider ensemble une chopine, histoire non de boire, mais de causer. Pourtant, comme par un accord tacite, ils évitaient l’un et l’autre de parler de la Nouvelle-Calédonie : à quoi bon évoquer des souvenirs d’amertume et de désespoir ?

Détras, maintenant, achevait de s’installer avec sa femme et son ami. L’ancienne maison était presque entièrement rebâtie, en tout cas, suffisamment pour qu’ils pussent y loger. Une clôture en bois entourait le terrain loué ; le poulailler s’élevait déjà, pourvu d’une vingtaine d’hôtes emplumés ; l’étable était à demi construite. Encore une dizaine de jours et tout serait à point.