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pour amener cette défaite, un véritable désastre pour la Compagnie, désastre moral et sans doute aussi matériel, car les mineurs encouragés, grisés par leur victoire, ne connaîtraient plus ni crainte ni obstacles ; rien ne les retiendrait. Ce serait d’emblée la grande grève que mènerait le syndicat, dont les rangs viendraient se grossir de tous ceux restés jusqu’alors hésitants.

Et cette idée d’un seul homme résolu se jetant sur toute une bande et suffisant à faire tourner la chance le hantait.

— Un rude mâle, celui-là ! murmura-t-il. Ce n’est pas comme vous autres.

Il avait prononcé cette dernière phrase à l’adresse de Cabot et des miliciens de la « Vieille Patrie française ». Mais quand il les chercha du regard, il demeura stupéfait de ne plus apercevoir que quatre sociétaires placés en sentinelle à quelque distance. Les autres, entendant le récit terrifiant de Plétard et persuadés que les syndiqués allaient descendre les attaquer, venaient de filer sans tambour ni trompette, le réformé en tête. On pouvait les apercevoir, détalant sans bruit, le dos courbé, quelques-uns ayant abandonné leur fusil.

Moschin dédaigna de rappeler ces lâches dont le concours devenait dérisoire. Il se borna à former des quatre jeunes gens qui n’avaient pas suivi la débandade, un petit poste pour garder la direction ; en même temps, il dépêcha Plétard porteur d’un billet rédigé en hâte au commissaire de police et au brigadier de gendarmerie, les priant d’accourir avec leurs forces disponibles.

L’attaque des bureaux et des chantiers par les mineurs, que Moschin avait présentée comme possible, sans y croire lui-même, aux sociétaires de la « Vieille Patrie française », afin de les éprouver, était devenue probable, sinon certaine.