Michet, si abject fût-il, n’était point un peureux. Un moment, il eut la velléité de retourner sur ses pas et d’engager une lutte corps à corps avec Détras. C’était l’autorité patronale qu’il incarnait, et cette autorité ne devait pas être vaincue par la révolte prolétarienne que personnifiait en ce moment l’ancien forçat. Cela, il le sentait confusément et il sentait aussi que Moschin ne lui pardonnerait pas sa défaite, qui était une défaite morale de la Compagnie.
Il fit un pas vers Détras, mais, à ce moment, il tituba, frappé d’un coup de pied dans les jambes. Le mineur qui l’avait frappé visait certainement plus haut ; mais si l’exécution du geste était défectueuse, l’intention s’y trouvait, de suite après, Michet reçut un crachat en pleine figure, puis un autre. Les mineurs l’entouraient maintenant d’un cercle menaçant.
Michet eut un cri de rage. Il comprit qu’il allait tomber entre les mains de ceux qu’il avait si longtemps mouchardés, dénoncés, signalés aux punitions et que ceux-ci, réglant leurs vieilles dettes, pourraient avoir la vengeance terrible. Il abandonna toute idée de lutte avec Détras et se précipita, les poings fermés, en avant pour s’échapper du cercle s’il en était temps encore.
Mais il n’était plus temps : vingt bras le saisirent, l’enlevèrent de terre et une voix forte s’éleva, jetant cette phrase :
— Il faut le fouetter.
Michet eut un hurlement. En vain se démena-t-il de toute la fureur de ses forces décuplées, distribuant des coups de poing, des coups de pied : une main tira son pantalon, une autre releva la chemise en la déchirant et, sur le derrière nu du mouchard, énorme et musculeux, les coups commencèrent à se succéder, coups de poing, coups de plat de main à assommer un bœuf. Michet maintenant hurlait de rage et d’humiliation autant que de douleur.