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Tout d’abord, il avait fait régulariser sa situation. Non sans difficultés, Bobignon, effaré de ce retour d’un forçat politique, cru mort depuis longtemps, s’était rendu à l’évidence et, bien à contre-cœur, avait dû lui délivrer papiers d’état civil et carte d’électeur.

— Encore un futur candidat ! pensa avec rage ce maire modèle.

Bobignon se trompait : Détras n’était pas de ceux qui calculent jusqu’au profit qu’ils pourront tirer de leurs souffrances.

Le commissaire de police eût voulu être plus revêche, mais il fut obligé, lui aussi, de s’incliner devant les conséquences du décret d’amnistie.

— Vous avez de la chance ! grommela-t-il en légalisant les papiers que lui présentait Détras.

Celui-ci sourit : cette chance qui lui permettait de revenir enfin dans son pays vivre comme le commun des mortels, après douze ans d’emprisonnement, de bagne et d’exil, lui paraissait bien relative !

Détras s’occupa ensuite du rachat de son ancienne demeure. Pour sept cent cinquante francs, Détras rentra en possession du terrain et de ce qui restait de la bâtisse.

Toutefois, ce n’était pas suffisant pour une ferme. Un vaste terrain contigu appartenant à un bourgeois de Môcon et, laissé en friche, n’était même pas enclos. Le propriétaire n’en tirait aucun parti et attendait pour le vendre que l’extension acquise par Mersey eût augmenté considérablement sa valeur. Mais il ne refusa pas de le louer : deux cent cinquante francs par an, avec bail de trois ans. La location fut faite au nom de Détras et Panuel.

Total, avec les menus frais : un déboursé d’un peu plus de mille francs ; il en restait trois mille à la petite communauté. Avec cette somme, il y avait juste assez pour les travaux les plus essentiels,