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dépouillées de toute individualité, éprouvaient comme une secrète consolation à se montrer deux hommes de caractère nés dans leur classe miséreuse et qui, au lieu de se soumettre comme le troupeau, avaient senti s’allumer en eux cette étincelle sacrée, génératrice de tous progrès, l’esprit de révolte !


V

UNE RÉUNION ORAGEUSE


Dans la grande salle du Fier Lapin, le syndicat des mineurs tenait, ce dimanche-là, une réunion des plus houleuses.

Ouvard présidait. Au fond de la salle, une toute petite table et trois chaises avaient été disposées sur une autre table large et lourde, formant tribune. À ce bureau improvisé, siégeait le secrétaire du syndicat, assisté des deux mineurs, Dubert et Sarrazin.

Bien que la réunion fût strictement privée et qu’on n’y entrât que sur présentation de sa carte de membre du syndicat, un bruit d’orage, emplissant la salle, indiquait que la passion y était portée à son paroxysme. C’est qu’il s’agissait non pas de querelles, de mots et de déclamations tonitruantes, comme dans la plupart des meetings, mais d’intérêts vitaux.

La Compagnie venait, comme l’avait annoncé Moschin, de renvoyer d’un coup vingt-cinq mineurs, pour diverses raisons politiques. Et ce coup de force patronal, tel qu’il ne s’en était pas produit depuis longtemps, avait, comme un choc électrique, mis debout les camarades dans un commun sentiment d’exaspération prête à devenir de la révolte.

Jusqu’alors, le syndicat avait dû changer assez fréquemment de siège social. Les marchands de vin, assez nombreux dans cette ville ouvrière, ne s’étaient hasardés qu’en tremblant à louer leur salle. Alors, Brossel, qui occupait, seul avec sa vieille mère, une