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Et maintenant voilà que ce mari, que tout le monde croyait mort, reparaissait.

— Je suis heureux de vous avoir, car vous êtes célèbre ici. Je n’étais pas à Mersey de votre temps, mais j’ai beaucoup entendu parler de vous et puis je connaissais de vue madame (il désignait Geneviève). Mais vous savez, un logeur a sa responsabilité…

— Soyez tranquille, répondit Détras qui devina sa pensée. Je suis libre légalement de par l’amnistie ; vous pensez bien que, dans le cas contraire, je ne viendrais pas chez vous et sous mon nom !

— Au fait, murmura le cabaretier, c’est vrai !

Et se faisant aimable :

— Vous pourrez vous faire servir ici tout ce que vous voudrez, ajouta-t-il. Et je suis bien sûr que la moitié de la population, pour ne pas dire les trois quarts, se fera une fête de venir vous serrer la main.

Détras fronça le sourcil.

— Monsieur Marbé, dit-il, je n’ai aucunement envie de servir à satisfaire la curiosité des gens comme une bête rare. J’entends choisir moi-même les amis qu’il me plaira de revoir et ne pas m’assujettir aux autres. Donc, je vous préviens : si nous nous trouvons obsédés ici par les importuns, nous irons loger ailleurs.

— Ce sera comme vous voudrez, monsieur Détras.

N’empêche que la grande nouvelle s’étant répandue dans la ville, ce fut dès l’après-midi un mouvement ininterrompu de curieux allant et venant autour du Fier Lapin, dans l’espoir d’apercevoir les traits d’Albert Détras. Celui-ci, en quelques heures, était devenu célèbre par son odyssée mal connue et défigurée : on lui prêtait toutes les aventures, sauf celles qu’il avait traversées !

Mersey possédait maintenant deux ex-forçats politiques, Galfe et Détras, et, sans qu’ils s’en doutassent, leur prestige était grand dans la population ouvrière. Ceux dont le salariat faisait des machines à produire,