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Les regards du débitant allaient, curieux, vers Détras, qu’il ne reconnaissait pas, pour cette raison péremptoire que jamais il ne l’avait connu. Le cabaret avait été fondé bien après les événements de la bande noire et le départ du mineur pour le bagne.

— Avez-vous deux chambres pour la journée ? demanda Détras.

— Mais certainement, monsieur, se hâta de répondre le cabaretier. Je vous donnerai mes deux meilleures. Je suis seulement tenu de faire signer mes locataires sur mon registre. Veuillez entrer.

Et il courut chercher derrière son comptoir un gros livre couvert d’écritures diverses peu lisibles et de taches d’encre.

— Si vous voulez bien indiquer votre nom et votre adresse ? dit-il à Détras en lui présentant un porte-plume.

L’amnistié sourit et sans hésitation, d’une écriture claire qui contrastait avec celles des maçons, carriers et maraîchers, hôtes habituels du Fier Lapin, traça ce nom :

Albert Détras, 6, Windmill street, Londres.

L’honnête — ou malhonnête, il était commerçant ! — Marbé, qui suivait la plume, faillit tomber à la renverse.

Albert Détras ! Il connaissait l’histoire du mineur, les événements de la bande noire étant devenus la grande légende locale. Bien des fois aussi il avait, de la porte de son établissement, aperçu Panuel se rendant chez Geneviève ; comme la plupart des habitants de Mersey, il avait même cru à des relations intimes entre tous les deux. Cependant, il avait eu le tact de garder pour lui ses réflexions.

— Après tout, se disait-il, ça n’est pas mon affaire. Si elle veut donner un remplaçant à son mari, ça la regarde.