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Les trois voyageurs continuèrent leur marche, souriant de l’incident, tandis que la porteuse de lait, oubliant ses clients, se précipitait pour répandre partout le bruit incroyable du retour d’Albert Détras.

Et maintenant, ce bruit emplissait la ville ; des commères en réveillaient d’autres pour leur crier la nouvelle ; les ouvriers qui commençaient à descendre dans la rue étaient hélés au passage par les reporters improvisés.

Pendant ce temps, Détras, Geneviève et Panuel avaient gravi la côte et, passant devant le Fier Lapin, se dirigeaient vers leur ancienne maison. Quels étaient ses hôtes actuels ? L’amnistié se rappelait avec un serrement de cœur la marchande d’amour qui, à son passage, l’avait accueilli de ses avances. Était-elle encore là ? Il espérait que non, car en deux ans il se passe bien des choses. Il n’avait pas caché à Geneviève pareille profanation de leur ancienne demeure, si honnête, si pure et elle en avait été profondément attristée. Pourtant, comme lui, elle voulait voir, ne ressentant d’amertume qu’à l’égard des choses et non à l’égard des individus, jouets de la fatalité. L’image de cette prostituée qu’elle ne connaissait pas et qui était venue sous l’ancien toit des Détras exercer son lamentable commerce, était restée dans son esprit, lui inspirant une pitié profonde. Et dire que dans une société où les plus forts écrasent les plus faibles, il se trouve même de ceux-ci pour jeter le mépris à la malheureuse qui, n’ayant rien à vendre que son corps, le vend comme d’autres vendent leur savoir ou leur force pour ne pas mourir de faim !

La maison était abandonnée et presque en ruines. Détras la considérait avec stupeur, toute délabrée, la pierre grise et lézardée, les carreaux sans vitres et même une partie des tuiles de la toiture écroulées, gisant à terre. C’était une carcasse de maison plutôt qu’une maison, quelque chose comme un cadavre de