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pondance était nouée, prête à fournir un prétexte d’accusation contre les mineurs selon les besoins de Chamot, du curé Brenier et de l’abbé Firot. Baladier eut même l’habileté de se tromper dans la suscription d’une lettre, de façon à la faire ouvrir à la poste pour rechercher le destinataire. Le contenu de cette lettre était tel qu’à la poste, elle fut immédiatement envoyée au procureur de la République.

En même temps, circulait, lancé on ne sait d’où, le nom de bande noire. Ce nom, de Mirlont, comme beaucoup d’autres, l’avait recueilli au passage.

Coïncidence étrange, bien faite pour donner à penser, à peu près au même moment où, en France, la réaction policière et cléricale répandait le bruit de l’existence d’une bande noire dans le département de Seine-et-Loir, en Espagne, la même réaction policière et cléricale inventait de toutes pièces — on l’a su depuis — une mystérieuse association de malfaiteurs, la Mano-Negra (la Main-Noire), invention qui permettait d’envoyer des anarchistes au bagne ou à la mort.

Qu’en conclure, sinon que la police et l’Église, internationales pour le malheur des peuples maintenus, eux, dans les stupides rivalités patriotiques, se communiquent fraternellement leurs stratagèmes, ou même ourdissent de gigantesques plans d’ensemble ? L’année 1882 était menaçante en Europe pour le vieil ordre social ; les pays latins surtout s’agitaient. Pour l’état-major du Gésu, ces pays-là n’étaient qu’un seul champ de bataille.

Pendant que Ronnot, malgré son bon sens, se laissait envelopper d’un invisible réseau et que Panuel formulait avec hésitation devant ses amis de simples impressions, Baladier, lui, ne perdait pas de temps. Deux fois, il était revenu aux environs de Mersey, si clandestinement que Ronnot même n’en avait rien su, et, chaque fois, il avait vu quelques individus jugés par lui propres à exécuter le plan policier.