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un travail sédentaire et machinal qui ne satisfaisait ni son cerveau, ni ses muscles. Et les ressources de la petite communauté s’étant quelque peu augmentées, Détras étant entré en relations personnelles avec un haut employé de la grande maison Baker de Londres, ils liquidèrent, une fois de plus, la situation et partirent pour la capitale de l’Angleterre.

Ils y étaient restés jusqu’alors, établis à Windmill-Street et s’y trouvant beaucoup mieux que rue de l’Ours-Noir.

À la porte de leur rez-de-chaussée, spacieux, clair, sauf lorsque le brouillard hivernal s’étendait sur la ville, une enseigne s’étalait, rédigée dans les deux langues anglaise et française : « Panuel et Cie, meubles et broderie, vieux, neuf, réparations et spécialités. » Détras, lui, faisait la place et bientôt le succès fut tel que le vieil ébéniste se trouva incapable de faire face aux commandes.

D’autres eussent pris des ouvriers, mais Détras, pour une foule de raisons, tenait à n’employer personne, tant parce qu’il ne voulait pas que quelque étranger travaillant sous son toit pût surprendre les secrets de sa vie que parce qu’il ne se sentait pas l’âme d’un patron. Son vieil ami était dans les mêmes dispositions. En conséquence, l’atelier Panuel se transforma en maison de commission pour le meuble.

Tout avait prospéré à souhait. Et, maintenant, laissant Berthe dans un bon pensionnat pour qu’elle pût y poursuivre son éducation et se perfectionner dans la langue anglaise, ils étaient tous revenus, papa Nuel un peu changé dans ses habitudes de n’avoir plus auprès de lui celle qu’il aimait comme sa propre enfant, mais radieux pourtant de retourner à Mersey. Il avait beau être internationaliste, il commençait à se sentir fatigué de la bière et surtout d’une langue qu’il n’entendait que très imparfaitement, étant venu à Londres trop vieux pour l’apprendre.

Quant à Geneviève, elle était à la fois heureuse et