Page:Malato - La Grande Grève.djvu/375

Cette page a été validée par deux contributeurs.


IV

LE RETOUR DES EXILÉS


Une vive émotion régnait à Mersey.

Aux portes des maisons, les commères s’abordaient d’un air effaré en ponctuant leurs conversations d’interminables : « C’est-y Dieu possible ! » D’autres ajoutaient avec une nuance de regret : « Et pourtant on disait bien que les sauvages l’avaient mangé ! » Des bourgeois passaient dans la rue d’un air renfrogné ; par contre, des ouvriers, vieux habitants de Mersey, avaient le visage tout réjoui, quelques-uns même s’abordaient en riant, exprimant tout haut leur satisfaction.

L’événement qui révolutionnait ainsi la ville n’était rien moins que le retour d’Albert Détras, accompagné de sa femme et de Panuel.

Après avoir supprimé sans remords l’abbé Firot comme une bête malfaisante, le justicier était parti pour Bruxelles rejoindre les siens. Déjà ils se trouvaient installés dans un rez-de-chaussée de la rue de l’Ours-Noir, une boutique longue et étroite avec une petite pièce au bout, donnant sur la cour et de laquelle dépendaient deux chambres exiguës au troisième étage. Le tout était assez sombre et conséquemment triste, mais le bon marché du loyer décida Panuel qui garda pour lui-même la petite pièce du rez-de-chaussée et réserva les deux chambres à la famille Détras.

Ils y vécurent pendant huit mois s’occupant, Panuel, de réparations de meubles, Geneviève de couture et même de broderie de fantaisie, car il y avait en elle, comme chez beaucoup d’ouvrières, une véritable artiste. Détras, grâce à sa connaissance de l’anglais, trouva une place dans un magasin. Mais la vie d’épreuves et d’aventures qui l’avait trempé, le besoin de forte activité, lui rendaient pénible maintenant