— Je ne sais pas à qui m’adresser… À la mairie peut-être… ou au commissariat de police. Je voudrais savoir tout de suite si quelqu’un habite la ville.
— Ah bien !… Si ce quelqu’un est connu, mon collègue de Mersey pourra me donner le renseignement. Comment s’appelle-t-il ?
— Galfe !
Dans ce nom, Céleste avait jeté toute la passion qui lui emplissait le cœur. Le commis la regarda, surpris.
— Vous dites Galfe ? fit-il. Le même nom que ce fameux dynamiteur qu’on vient de gracier.
— Ah ! s’écria Céleste, incapable de contenir sa joie. Il vit !
C’était le cri de son âme, la réponse triomphale au doute atroce qui depuis dix ans lui déchirait le cœur.
Le bureaucrate demeurait pétrifié de voir que cette ouvrière à la vie laborieuse et d’une régularité austère connaissait un forçat. Cependant un peu de sentiment humain survivait sous l’ankylose administrative et, peut-être ému sans s’en rendre compte, il lui dit machinalement :
— Vous êtes donc celle qu’il cherche ?
Le lendemain, Galfe averti accourait au Brisot, droit chez Lucette Rénois, redevenue Céleste Narin.
Elle quitta sans hésitation, sans regret, le Brisot et, réunissant ses maigres économies au petit pécule de son amant, elle alla avec lui habiter Mersey.
Galfe commençait, grâce à l’appui des radicaux, à se faire une petite clientèle dans la région. Bernard, auquel il fut présenté par d’anciens camarades, lui donna de précieuses indications.
Céleste, de son côté, s’était remise au blanchissage comme lorsqu’elle lavait pour la mère Mourin ; seulement, cette fois, elle travaillait à son compte. En outre, dans ses loisirs, elle fabriquait des garnitures de fleurs artificielles qu’elle livrait, non pas directement aux commerçants, car ils n’eussent pas voulu les lui prendre, mais à Mme Vilaud.