une situation cruelle sans l’aide de Paryn et de quelques radicaux du pays qui s’étaient intéressés à sa cause. Car il revenait à un moment où ses coreligionnaires, soit en fuite, soit courbés sous les persécutions, ne pouvaient rien pour lui ; d’ailleurs, son procès, qui avait autrefois passionné le département, était presque oublié ; la nouvelle génération libertaire ne le connaissait pas.
Très heureusement pour lui, le maire de Climy, prévenu de son arrivée, l’attendait au chef-lieu. Quelques autres militants, Renouard, Vallon, Poulet, s’y trouvaient également. Ils étaient radicaux et celui qu’ils accueillaient anarchiste, mais, avant tout, c’était un martyr arraché au bagne après dix ans de souffrances. Combien peu, devant ce fait poignant, pesaient les différences de doctrines ! Radicaux, anarchiste, ces qualificatifs disparaissaient en un tel moment ; il ne restait plus en présence que des hommes, l’un meurtri, les autres émus de sa souffrance.
Et puis, si leurs idées n’étaient pas les mêmes, une sorte de lien existait. C’était le procès Galfe qui, jadis, arrachant Paryn à la vie tranquille, l’avait lancé dans la mêlée politique. Avec lui, Renouard et Vallon avaient protesté contre l’iniquité judiciaire et flétri la République capitaliste. Le crime perpétré aux assises de Chôlon avait excité leur horreur et acquis leurs sympathies à la victime ; depuis, ils n’avaient pas toujours rencontré chez des militants plus rapprochés d’eux la même sincérité de sentiment que chez le jeune mineur, quelque éloignement eussent-ils pour sa tactique.
De son côté, Galfe, ayant vécu depuis si longtemps replié sur lui-même, sentit son cœur se ranimer aux témoignages d’amitié de ceux qui l’accueillaient la main tendue. Malgré son courage et son enthousiasme d’antan, l’épreuve l’avait broyé. Jeune encore, sans doute pourrait-il se redresser comme un arbuste