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— Monseigneur, répondit la baronne, la situation demeure la même : calme, le feu couvant toujours sans pouvoir jusqu’ici se transformer en incendie ou s’éteindre.

L’évêque eut un sourire quelque peu amer.

— Toutes les sociétés contemporaines en sont là, fit-il. L’esprit de la Révolution les corrode ; cependant cette révolution, fille de Satan, les gouvernements pourraient encore l’écraser dans l’œuf.

— Mais les agents du pouvoir pactisent avec elle ou la ménagent. Dans ce département, que seront les élections si le préfet actuel demeure à son poste ? Radicales-socialistes !

Le regard de l’évêque et celui de la baronne se rencontrèrent. Tous deux se comprenaient.

— Avez-vous reçu des nouvelles de M. Jolliveau ? demanda Sa Grandeur.

— Pas depuis quelque temps, Monseigneur. Il espérait être touché par le dernier mouvement préfectoral et, sans doute, la déception l’aura-t-elle quelque peu découragé.

— Il ne faut jamais se décourager, dit le père Carino qui n’avait pas encore ouvert la bouche, étant de ceux qui causent peu mais agissent.

L’homme sur lequel à la fois la baronne et l’évêque avaient jeté les yeux pour la préfecture de Seine-et-Loir était un natif de Chôlon, répondant au nom roturier d’Alfred Jolliveau. De culture médiocre, mais poussé par les bons pères, il administrait présentement un département alpin, ce dont il enrageait, s’ennuyant à mourir au milieu des montagnes et de populations abruptes. Aussi remuait-il ciel et terre pour qu’à défaut d’avancement une mutation l’envoyât au moins dans un pays « civilisé ».

Attaché non par ses opinions, car il n’en possédait point, ce qui est le meilleur moyen de réussir, mais par ses relations au monde clérical et césarien, il était prêt à servir tous les ministères avec une pré-