dans sa bicoque et s’occupait le restant de la journée à tresser des corbeilles. Vente de journaux et vannerie lui rapportaient ensemble, en moyenne, trois francs par jour.
C’était bien peu, mais Bernard vivait seul et n’avait point de goûts dispendieux. Et sur cette somme dérisoire de trois francs, il mettait régulièrement quelques sous de côté pour arriver à s’acquitter envers Paryn.
Cessant d’être mineur, il avait abandonné le syndicat, ce syndicat qu’il s’était attaché à consolider pour en faire une arme de résistance et plus tard d’attaque contre le capitalisme exploiteur. Et il en avait éprouvé une grande peine. Sa consolation était de voir le secrétariat, c’est-à-dire la direction morale du syndicat, entre les mains d’Ouvard, dont le révolutionnarisme froid et tenace le rassurait.
Il projetait aussi la création d’un syndicat des hommes de peine qui, englobant les salariés de tous métiers, les ferait fraterniser et les amènerait à concevoir une action d’ensemble non limitée par le particularisme professionnel. Il se rendait parfaitement compte des défauts que présentent encore les syndicats ouvriers : le modérantisme, l’esprit étroit, tatillon ou autoritaire, et il se disait que ces groupes, indispensables pour lutter sur le terrain économique, devaient cependant subir avec le temps toute une révolution morale, sous peine d’amener l’avènement d’une féodalité ouvrière rongée par les rivalités intestines, ou celui d’un écrasant socialisme d’État. Le syndicat des hommes de peine pouvait former un trait d’union entre les travailleurs des diverses professions, du moins à Mersey, où la réaction cléricale, encore maîtresse, eût empêché une fédération ouvrière de se constituer et vivre.
Canul, le mouchard de la mine, surveillait toujours son voisin, dont la propagande comme vendeur de journaux n’était pas moins redoutée que celle à