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vent les larmes lui venaient aux yeux. Mais Détras lui disait en se penchant vers elle et l’embrassant :

— Toutes ces épreuves ne sont pas plus cruelles que celles que tu as subies. Le décor et les circonstances différaient, mais l’intensité de douleur a été la même. Il t’a fallu autant de courage pour demeurer à Mersey, sous les attaques et les outrages des misérables, qu’à moi pour demeurer debout dans l’horreur du bagne.

Cependant tout n’était pas terminé pour Détras.

Il sentait d’abord l’impossibilité d’éterniser cette situation instable, de vivre caché, sans oser franchir le seuil de l’Étoile solitaire sous peine d’infliger à sa femme des inquiétudes mortelles.

Il ne pouvait ni condamner Geneviève à de pareilles angoisses ni se condamner lui-même à une réclusion perpétuelle.

Pour résoudre la question, il n’était qu’un moyen : abandonner l’auberge à un acquéreur pour aller vivre tous ensemble dans un pays où l’extradition ne fût pas à craindre.

Détras, rapatrié gratuitement de la Nouvelle-Guinée en Europe avait à peine entamé les mille francs que lui avait procurés son travail dans les mines australiennes. Avec cela et ce que rapporterait la vente de l’Étoile solitaire, on pourrait s’établir ailleurs.

Mais auparavant, il était un compte que l’évadé entendait absolument régler.

C’était celui pendant avec l’abbé Firot.

Détras ne pouvait oublier que la cause volontaire des malheurs qui avaient accablé lui et sa femme était le prêtre, alors épris de Geneviève. Cela il ne pouvait le pardonner.

Que les chrétiens prêchent l’agenouillement, la résignation et la joue gauche tendue aux soufflets après la joue droite ! Que les philosophes, établissant l’irresponsabilité de l’être humain, déterminé dans tous ses actes par un enchaînement logique de causes