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heurs ne viennent pas tout seuls. Qui donc peut chercher à nous faire du mal ?

Le vicaire allait répondre que l’irréligion provoque toujours des punitions du ciel, mais il se retint et trouva plus sensé de lui dire :

— Vous savez que M. Chamot est profondément religieux.

— Je le sais, riposta Geneviève, puisqu’il a renvoyé quinze malheureux pères de famille, coupables d’avoir accompagné le cercueil de mon beau-père, enterré civilement.

La réponse était nette et cassante dans sa simplicité. L’abbé Firot pâlit un peu.

— Madame, murmura-t-il, croyez bien que M. le curé et moi ne sommes pour rien dans cette décision.

Et hypocritement, il ajouta :

— Que de fois, au contraire, nous avons supplié la Direction de garder des ouvriers que leur inconduite avait fait mettre à la porte !

— Leur inconduite, c’est possible, riposta la jeune femme, mais pas leurs opinions.

L’abbé Firot sentait que cette femme, tout à l’heure hésitante, prenait l’offensive. Elle disait le droit pour chacun d’avoir ses idées et de vivre comme il l’entendait, sans faire de mal à personne. Pourquoi voulait-on forcer les gens à affecter des sentiments qu’ils n’avaient pas ?

— Voyons, madame Détras, fit le vicaire, ne vous excitez pas : ce n’est pas la première fois que nous causons.

— Non, riposta Geneviève, et je ne sais pas pourquoi, monsieur l’abbé, vous revenez à la charge. Mon mari vous a pourtant dit…

— Votre mari, s’écria impétueusement l’abbé Firot, c’est lui qui vous perd. Mais je vous sauverai, moi ! je vous sauverai malgré vous, parce que…

Le galant prêtre avait un peu baissé la voix en