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— Combien étaient-ils ? demanda bas Moschin à l’ingénieur.

— Trente-trois, répondit celui-ci.

Cependant les mineurs descendus s’efforçaient de vaincre l’incendie, les uns en attaquant à coups de pic les boisages rongés par les flammes, les autres en jetant des blocs de minerai mêlés à de la terre et des pierres. L’ingénieur avait ordonné de noyer les travaux de la galerie en faisant jouer les pompes. Pendant ce temps, on avait transporté les cadavres méconnaissables dans la cage. Et maintenant, celle-ci remontait, apportant à la foule éperdue la nouvelle et les lugubres preuves de la catastrophe complète.

À ce moment même, une poussée des assistants refoulait le barrage jusqu’à la bouche du puits, et dans la nuit, éclairée par la lueur sinistre des torches, retentissait ce cri impérieux et poignant :

— Les noms ! les noms des victimes !

Des Gourdes allait et venait, pâle, frémissant devant cette exaspération populaire qu’il sentait monter. Jusqu’alors, profondément dédaigneux de cette plèbe, qui lui apparaissait un troupeau soumis, il comprenait que ce troupeau peut avoir des réveils terribles et dévorer son berger. Effaré, le maire ne trouvait pas une parole, tandis que le curé, au contraire, s’efforçait de calmer, en lui parlant d’espoir et de résignation, cette population qui ne l’écoutait pas.

Et, couvrant cette scène terrible d’un roulement de tempête, continuait à éclater le cri de la foule, des femmes, des sœurs, des mères :

— Les noms ! les noms !

La cage n’avait cessé de descendre et remonter. Par sûreté et aussi pour calmer les angoisses de plus en plus furieuses de la foule, on venait de ramener les équipes qui travaillaient aux étages supérieurs, et il y eut de folles explosions de joie de celles qui