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le goyot des échelles et y faire monter les hommes, avait dit à Faubert le chef de mine Boudot. Sonnez aussi la descente immédiate de la cage. D’une façon ou de l’autre tout l’étage doit être évacué sans attendre. Dans un quart d’heure, il serait trop tard.

— Taisez-vous ! répondit tout bas le maître mineur. Vous allez démoraliser les hommes. Les ingénieurs vont descendre : je ne puis rien prendre sur moi.

Faubert, habitué à obéir, n’osait, même en un tel péril, agir d’initiative. Ne serait-ce point pour lui une mauvaise note que d’avoir ordonné la retraite si le fléau pouvait être conjuré ? D’ailleurs le feu, quoi qu’en pût dire Boudot, leur laisserait bien une demi-heure de répit et, dans quelques minutes, les ingénieurs seraient arrivés, jugeant eux-mêmes la situation et donnant les ordres nécessaires.

Boudot eut un geste de désespoir. Mineur expérimenté, qui avait assisté à plus d’une catastrophe, il jugeait la situation nettement. Mais il était le subordonné de Faubert et, le désespoir au cœur, sentant venir la mort pour lui et ses compagnons, il se tut !

Pendant que ce drame poignant se déroulait à cinq cents mètres sous terre, Mersey, brusquement réveillé, était en révolution. Une révolution d’angoisse et de douleur, plus terrible peut-être qu’une insurrection. Car il n’était pas de famille qui ne comptât un mari, un père, un frère, un fils travaillant aux mines, et on ignorait encore dans quel puits avait eu lieu la catastrophe.

L’alarme, transmise de la galerie 465 aux étages supérieurs et aux chantiers, y avait jeté la consternation, et tout d’un coup s’était répercutée dans la ville en un cri terrible : « Le feu à la mine ! »

Tandis que, réveillés en sursaut par la sonnerie téléphonique, le baron des Gourdes, les ingénieurs, le docteur Chaudet, Moschin, accouraient et don-