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XXVII

L’EXPLOSION


Bernard, une fois guéri et sorti de l’hôpital, avait regagné sa maison du faubourg des Mouettes, préparé son dîner maigre et solitaire, puis, quelque peu fatigué, s’était couché afin d’être dispos le lendemain. Ce jour-là, il verrait les camarades du syndicat et, après avoir arrêté une ligne de conduite en cas de poursuites, il commencerait à chercher du travail, un travail quelconque, car il n’était pas en mesure de rester longtemps sans rien gagner.

Il dormait, lorsqu’une clameur, clameur immense, désespérée, qui, cette nuit-là, terrifia tout Mersey, le tira brusquement du sommeil.

Le mineur se jeta aussitôt à bas de son lit, alluma sa lampe, et, en un clin d’œil, se vêtit. Alors il courut sur la route.

La nuit était demi-noire, éclairée par un mince quartier de lune. Des ombres, ombres d’hommes et de femmes, couraient vers la ville. Au milieu des cris confus, cris d’horreur et de désespoir, qui semblaient comme un immense sanglot de la population ouvrière, ceux-ci parvinrent distinctement à ses oreilles :

— Le feu ! au puits Saint-Eugène !

Bernard se précipita. Il oubliait qu’il n’était plus mineur, que Moschin lui avait signifié son renvoi par la Compagnie. Se rappelait-il encore en pareil moment s’il existait une Compagnie ! Ce qu’il voyait, c’étaient les malheureux, ses camarades ensevelis à cinq cents mètres sous terre, dans une situation effroyable, ayant devant eux l’incendie et derrière eux le grisou.

On travaillait jour et nuit dans les différents puits de Mersey. Chaque soir, une équipe de nuit descen-