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leurs aspirations sociales. Leur vue amena un sourire de satisfaction sur les lèvres de Bernard.

— Ils ne sont pas nombreux, une dizaine seulement, dit-il à Brossel, mais c’est une affirmation courageuse et de bon augure.

— Certainement, répondit Brossel en caressant la barbiche brune qui terminait sa figure maigre et énergique. Seulement, ils ne sont qu’une poignée et s’il prend fantaisie à la bande de Moschin de faire quelque chose…

Il n’acheva pas : Bernard comprit sa pensée. Lui-même avait eu l’idée qu’il fallait s’attendre à quelque coup de violence de la police particulière du baron des Gourdes.

Et, par moments, il se demandait s’il n’avait pas eu tort d’organiser cette réunion. S’il arrivait malheur aux orateurs venant apporter aux opprimés de Mersey l’appui et le réconfort de leur parole ?

Mais il chassait cette idée. Si on s’arrêtait aux difficultés, on ne ferait jamais rien.

D’ailleurs, il était décidé à se faire tuer plutôt que de laisser toucher un cheveu de la tête de ceux qui répondaient à son appel.

Un coup de sifflet déchira l’air : c’était le train qui arrivait. Tout aussitôt un mouvement de houle porta les groupes vers la gare.

Brossel et Bernard pénétrèrent dans la salle d’attente, suivis des délégués cordonniers et tailleurs. Dans la rue, la foule grossissait, s’élevant maintenant à deux ou trois cents personnes.

Le train venait de stopper. Paryn, Vallon et Renouard descendirent du même wagon ; le premier, grand et mince, avec une allure de force nerveuse, se distinguait des deux autres, trapus et de taille moyenne. Tous trois apparaissaient calmes et même souriants.

Déjà Brossel s’était avancé vers Paryn et, après lui