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que les choses se passent en règle, je ne vois pas pourquoi nous empêcherions le meeting.

— Ne croyez-vous pas, monsieur le commissaire, hasarda le débitant de plus en plus interloqué, que je ferais bien de prévenir la direction de la mine, car enfin je ne voudrais pas me brouiller avec elle ?

Pidurier haussa les épaules.

— Que diable voulez-vous que cela fasse à la direction de la mine ! déclara-t-il d’un ton péremptoire. Faites votre réunion.

L’aubergiste se retira au comble de l’ahurissement, se demandant si les mots liberté, égalité, fraternité, étaient devenus autre chose qu’une plaisanterie.

Brossel s’en fut donc, à son tour, au nom de Bernard et au sien, donner l’avis de réunion et en retirer le récépissé. Les affiches furent commandées à un imprimeur de la ville qui ne put en croire ses yeux et commença par refuser de se charger d’un travail aussi compromettant. Il finit, cependant, par accepter lorsque Brossel, qu’il connaissait comme un homme des plus sérieux, lui eut donné sa parole que le meeting était autorisé et, à l’appui de son dire, montré le récépissé.

Et maintenant tout Mersey attendait le grand événement. On en parlait à voix basse dans les établissements publics et dans les familles courbées sous la terreur patronale. On demeurait confondu de cette tolérance des autorités et plus surpris encore que la bande à Moschin n’eût pas arraché les affiches.

Que devait penser le baron des Gourdes ? Que devait-on dire à la cure, au cercle catholique, à l’ouvroir de la Merci ? Déjà le bruit courait que les cléricaux allaient se barricader en prévision d’actes rappelant les faits de la bande noire, passés à l’état de légende.

Bernard s’était multiplié pour préparer avec Brossel les mille détails de la réunion. Jusqu’alors il n’a-