il souhaitait de toutes ses forces que leur trace demeurât perdue.
Puis des années s’écoulèrent ; d’autres missions tout aussi honorables, lui firent oublier celle-là. Enfin, le mouchard prit sa retraite à Véran.
Maintenant l’arrivée de ce voyageur, ses questions, rappelant à Martine la famille Détras, l’avaient mis en éveil. Si réellement cet homme était le forçat évadé, comme l’idée lui en avait traversé le cerveau, quel magnifique coup de filet ! Retraité, il n’avait plus à craindre d’avouer qu’il s’était trompé en annonçant la mort de Geneviève et, par contre, quelle superbe gratification ne lui vaudrait pas la capture d’un condamné en rupture de ban depuis neuf ans !
Certes, il fallait éviter toute méprise, l’arrestation d’un vétéran médaillé confondu avec un forçat étant une de ces gaffes que ne doit pas commettre un bon mouchard, même lorsqu’il a quitté le service. Mais avec de l’habileté, et il se flattait d’en posséder, il verrait bien de quoi il retournait.
Détras, cependant, l’air placide, demeurait en garde, lisant dans l’esprit de Martine de vagues soupçons. Il importait avant tout de le dérouter complètement, après il reprendrait sa recherche. Peut-être même l’ex-policier pourrait-il se faire son auxiliaire inconscient.
— Voulez-vous accepter un verre de vin ? demanda-t-il.
— Volontiers, répondit Martine qui réfléchissait, se demandant quel piège il allait tendre à son interlocuteur.
Il apporta son verre sur la table et vint s’asseoir en face de Détras. Celui-ci remplit le verre : les deux hommes trinquèrent.
— Comme cela, reprit Martine, vous cherchez un homme d’une cinquantaine d’années…
— Tout près de soixante, interrompit Détras exagérant à dessein l’âge du menuisier.