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lée portant une empreinte ignoble de ruse, mais aussi en entendant au même moment ces paroles : « Il a servi dans l’administration. »

Dans quelle sorte d’administration ? La seule vue de cette tête au masque de policier l’eût clairement annoncé, même à un homme moins sur ses gardes qu’Albert Détras.

Martine venait tous les jours, à des heures irrégulières, s’asseoir au comptoir, non seulement pour permettre à sa sœur de vaquer aux travaux de la ferme, mais aussi pour voir des visages et deviner ce que pouvaient dire ou faire ses clients, car il avait la nostalgie de son ancien métier.

— Jérôme, lui dit sa sœur, voici Monsieur qui demande des renseignements sur un vieux menuisier avec un enfant.

Martine couva Détras d’un regard scrutateur.

— Pardon, interrompit l’évadé qui, en présence d’un policier même retraité, sentait la nécessité de jouer serré, j’ai dit un charpentier. Du moins, c’est le métier qu’exerçait Banfel à la compagnie d’ouvriers militaires.

— Comment l’appelez-vous ?

— Banfel.

Détras avait d’abord dit à la Martine Banvel, pour la mettre sur la voie de Panuel. Maintenant, il sentait le jeu trop dangereux avec l’ancien mouchard et insensiblement modifiait le premier nom donné.

— Ah ! fit Martine qui, malgré les années écoulées, eut une réminiscence, d’abord vague, puis plus précise de Panuel et, d’intuition, prit la position du chasseur à l’affût. Et cet homme a un enfant avec lui, une fille, dites-vous ?

Détras, qui n’avait pas précisé le sexe, sentit la ruse et le danger. D’un air innocent, il répondit :

— Mais non. Pas une fille, un garçon qui doit avoir maintenant de dix à douze ans… Oh oui ! tout près de douze ans.