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menacée par l’hydre révolutionnaire, avait pris une pose héroïque.

Des Gourdes avait conservé la même physionomie. Sans être un aigle, il se rendait compte de l’amoncellement de sottises débitées solennellement par de Mirlont. Et Mlle Julia, ayant levé les yeux, son regard rencontra le regard impassible du jeune homme, peut-être traversé d’un éclair d’ironie.

Lui et elle se comprirent d’un coup d’œil.

La nièce de Chamot, sinon instruite, du moins intelligente, d’une intelligence froide, patiente et dissimulée, comprenait tout ce que résumait de prétentieuse ignorance le bellâtre causeur. Son oncle et sa tante pouvaient bien s’épouvanter, elle avait conservé son calme, moins émotionnée même que les sœurs Scheyne, hardies, railleuses, mais accessibles à l’imagination et au romanesque. Elle, au contraire, était tout calcul. Et, du premier coup, elle avait vu en de Mirlont une outre vide.

Il avait beau, celui-là, posséder un titre, ce n’était certes pas à lui qu’elle serait.

D’ailleurs, même mariée, elle ne serait jamais qu’à elle seule. Elle chercherait, non un maître, mais un instrument ou un associé.

Et, lisant dans les yeux de des Gourdes, elle se dit aussitôt qu’elle l’avait trouvé, tandis que le baron comprenait que le regard de la jeune fille signifiait une offre d’alliance, une alliance qui pourrait se nouer pour la vie.

De Mirlont continuait son récit. Il montrait une armée de pillards et d’incendiaires prête à se soulever au Brisot sous les ordres du socialiste Fumay, un buveur de sang qui, au Quatre Septembre, avait remplacé Schickler en fuite. Il parlait d’un dépôt de dynamite — au moins soixante cartouches ! — découvert par les gendarmes dans le bois des Brasses. Ailleurs, du côté de Montjeny, un cultivateur avait déterré près de son enclos trois mains coupées… oui,