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— Connaissait-elle dans la région un homme de cinquante-cinq à soixante ans ayant auprès de lui un enfant d’environ dix ans ?

C’était un ancien camarade de l’armée coloniale qui devait exercer la profession de charpentier ; l’enfant qui vivait avec lui était à un parent mort commis-magasinier à Saïgon.

Cette histoire était habilement imaginée : elle ne se rapportait pas assez exactement à celle de Panuel pour compromettre Détras ; mais en même temps, elle devait amener la cabaretière à parler du menuisier si elle connaissait son existence, l’idée de charpentier évoquant naturellement celle de tout ouvrier qui travaille le bois.

— Non, je connais pas ça, fit la Martine.

— Comment s’appelle-t-il votre homme ?

— Banvel.

D’instinct, Détras comprenait encore que cette consonance amènerait celle de Panuel. Mais la Mayré ne devait rien savoir, car elle secoua la tête, disant du ton d’une concierge parisienne :

— Non, il n’y a pas ça dans le pays.

Toutefois elle ajouta naïvement :

— Peut-être bien que mon frère pourrait vous renseigner. Il connaît tant de choses, lui !

Elle ne cédait pas seulement à la gloriole d’exalter les mérites fraternels. Femme pratique, elle se disait que toute peine ou même tout renseignement méritant salaire, l’ex-agent pourrait bien soutirer au voyageur quelque pièce blanche.

— Ah ! fit Détras singulièrement intéressé, il connaît donc très bien le pays, votre frère ?

— Je vous crois ! Le pays et bien d’autres choses encore ! Il a servi dans l’administration… Mais, juste, le voilà !

Le mouchard retraité venait d’entrer.

Détras éprouva un brusque choc. Non seulement il l’éprouva en apercevant une tête roussaude et grê-