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rencontrant ses souliers, instinctivement les saisit.

Ayant escaladé le mur de la ferme, Céleste se chaussa rapidement et prit aussitôt sa course.

Où allait-elle ? Elle ne se le demanda même pas. L’inconnu, le hasard, la fatalité avaient dominé sa vie et la ressaisissaient maintenant comme une proie un instant échappée. Enfant du malheur, sans doute, elle resterait jusqu’à la fin.

Lorsqu’elle se sentit à bout de souffle elle s’arrêta. La nuit noire n’était éclairée que par des myriades d’étoiles : cela suffit pourtant à Céleste pour lui montrer, à gauche de la grande route qui se continuait au nord vers Chôlon, une bifurcation, la route menant au Brisot par Gênac.

Laquelle des deux suivrait-elle ?

Céleste n’hésita pas un instant ; elle prit celle du Brisot.

À ses anciennes rancunes qui lui revenaient contre Chôlon, la ville où son amant avait été condamné et elle emprisonnée, où tous ses espoirs de recevoir des nouvelles de Galfe avaient été déçus, se joignait un sentiment instinctif de préservation.

Elle se disait que si les Mayré la poursuivaient, ils la supposeraient plutôt réfugiée dans une ville. Or, Chôlon n’était pas assez grand pour qu’elle pût y échapper à une recherche sérieuse.

Le Brisot, au contraire, plus éloigné, était un asile plus sûr avec sa population dense de miséreux, esclaves de l’usine parmi lesquels la fugitive pourrait se fondre en quelque sorte.

La poursuivre ! Certes, ils n’avaient aucun droit sur elle et même ils eussent dû trembler qu’elle ne déposât une plainte contre eux pour l’attentat dont elle avait failli être victime. Mais ils étaient propriétaires, Céleste était sans toit, sans argent, cette différence de situation non seulement enlevait à cette dernière tout recours, mais même pouvait la mettre à la merci de ses maîtres. Qui sait si ceux-ci, pour