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Plus loin, s’étendait tout un pâté de nouvelles constructions, des maisons à deux étages, entourées de jardins divisés en sept ou huit petits carrés. Elles appartenaient à la Compagnie et logeaient chacune une demi-douzaine de ménages de mineurs parmi lesquels celui d’un mouchard qui pouvait ainsi espionner ses compagnons de travail.

C’était une idée ingénieuse de Moschin. Le chef de la police de des Gourdes se disait que c’était surtout dans l’intimité du foyer, au milieu de sa femme et de ses enfants, que l’esclave, lassé de son labeur quotidien, se laissait aller à des expansions dangereuses. S’il y avait quelque résolution secrète arrêtée entre des travailleurs, il était bien douteux que leurs femmes et enfants n’en connussent point quelque chose : il n’y avait qu’à faire parler la femme et les enfants.

Pour ce « travail », qui demandait un certain doigté, Moschin avait naturellement choisi ses hommes les plus intelligents.

Michet, passé sous-ordre, demeurait, lui, affecté aux besognes violentes, à celles qui demandaient plus de poigne que de cerveau. C’était lui, qui, avec des acolytes, allait attendre le soir, sur la route, le mineur coupable d’avoir témérairement parlé de ses chefs ou de la compagnie, et qui le rouait de coups. À la première récidive, quelquefois seulement à la seconde, Moschin faisait renvoyer l’homme.

Il y avait ainsi dans les puits un certain nombre de mineurs assagis par le passage à tabac et qui, en animaux battus et domptés, n’osaient même pas rêver une revanche. Cette race-là existe.

Bernard, étant célibataire, vivait seul dans une masure délabrée, aux Mouettes, non loin de l’ouvroir des religieuses de la Merci. Un peu isolé des autres mineurs, il n’avait été surveillé que superficiellement par un de ceux que Moschin appelait ironiquement