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— Ah ! vous ne voulez pas !… Vraiment, mademoiselle sans-le-sou ; notre fils n’est peut-être pas un parti assez bon pour vous ?

— Je n’ai pas dit cela, répondit Céleste, sans relever l’épithète injurieuse dans la pensée du paysan qui ne respectait que l’argent.

— Alors, quoi ?

— Ni votre fils, ni personne. Je vous l’ai dit, je ne veux, je ne puis me marier.

— Nous verrons cela demain ! cria Pierre Mayré.

Et il sortit, furieux.

Un moment. Céleste eut envie de s’enfuir tout de suite. Mais il était tard ; elle n’avait mangé qu’une assiettée de soupe à midi ; autant faire un dernier repas et dormir une dernière nuit à la ferme. Le lendemain, dès le réveil, elle quitterait Véran avec ou sans explication.

Plus triste encore que les autres fois, elle alla s’asseoir au bout de la table, à côté de la Martine et mangea silencieusement une tranche de lard froid étendue sur un morceau de ce pain qu’elle payait si cher.

Puis, elle gagna sa misérable couchette et s’y jeta, à peine dévêtue, essayant de dormir. Sans doute aurait-elle une longue course à fournir le lendemain ; qui sait si elle ne dormirait pas à la belle étoile ?

Cependant, Pierre Mayré en sortant de table, avait pris son fils à part, et lui avait dit :

— Tu sais, je lui ai dit à ta belle. Et sais-tu ce qu’elle m’a répondu ? Elle refuse.

— Pas possible ! s’écria Jean foudroyé.

— Comme je te le dis.

— Comment ! elle refuse… le mariage ?

— Oui, elle refuse le mariage. Elle veut être libre, cette demoiselle !

Jean poussa un sourd gémissement.