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rité, de robustesse et de fraîcheur ; avec son mari, la jeune femme, âgée de vingt-cinq ans à peine, offrait un contraste frappant. Un peu plus loin, Mme Ponette, veuve d’un des grands viticulteurs de la région, apparaissait, maigre et toute blanche, dans l’invariable costume de soie noire qu’elle portait depuis dix ans. Toute confite en dévotion, avec les allures dignes d’une douairière, elle avait la fourniture du vin de messe et, tous les ans, envoyait en cadeau à Monseigneur une barrique de son meilleur crû. Sa piété exemplaire lui valait d’être invitée au château de Fargeuil où sa correction sévère faisait repoussoir aux allures mondaines de la comtesse. Causeuses et rieuses, deux blondes créatures de vingt-huit et trente ans, les deux sœurs Mary et Jane Scheyne, orphelines d’un actionnaire de Pranzy et qui, émancipées par l’âge et par la fortune, aussi par l’éducation anglaise qu’elles avaient reçue, déclaraient tout haut leur intention de coiffer sainte Catherine ; le meilleur mariage, disaient-elles, ne valant pas la liberté.

Le valet de pied à la livrée bleu et argent annonça la famille Chamot. Un silence se fit comme à l’approche de souverains.

Le roi de Mersey entra dans le salon, et très régence, baisa galamment la main que lui tendait la créole. Celle-ci et Mme Chamot s’embrassèrent.

— Et vous ? dit en riant la comtesse de Fargeuil à Mlle Julia qui, discrète, effacée dans l’ombre de son oncle et de sa tante, s’était contentée de saluer d’une révérence.

Et elle embrassa aussi la jeune fille.

Puis commencèrent les saluts, les poignées de main. Et comme le baron des Gourdes demeurait un peu isolé ainsi qu’il convient à un premier rôle, la comtesse de Fargueil fit la présentation.

— Monsieur Chamot, le baron des Gourdes. Ne vous êtes-vous pas encore rencontrés ?

— Pas encore, fit le directeur des mines. Depuis le