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loquace, plus précis, lâcha des allusions égrillardes. Alors Céleste l’évita.

Cette situation était irritante pour tous deux : pour Jean dont le désir commençait à s’exaspérer, pour Céleste qui se disait que son refus prolongé lui ferait perdre son pain. N’était-elle pas une serve, à la merci du maître ? Pourtant, elle se l’était promis : elle ne serait jamais à un autre homme qu’à Galfe.

Le père et la mère Mayré ne se montraient pas émus du désir de leur fils. Ne faut-il pas que jeunesse se passe ? Après tout, puisqu’ils avaient cette fille à leur service, pourquoi Jean n’en userait-il pas ? Mieux valait cela qu’aller à la ville et en rapporter peut-être une mauvaise maladie.

L’idée qu’une servante de ferme pût sérieusement se refuser au fils des maîtres ne leur venait même pas. Toutefois, la réserve de Céleste, qu’ils ne s’imaginaient pas durable, leur plaisait. Rien ne leur eût autant déplu qu’une délurée se jetant à la tête de Jean, dans l’espoir d’arriver à faire la maîtresse. La maîtresse ! Pierre Mayré lui eût montré à grands coups de pied et au besoin à coups de fourche qu’il n’y avait à la ferme qu’un seul maître : lui.

À la fin, Jean résolut d’avoir une explication catégorique avec la rebelle.

— Lucette, lui dit-il un après-midi, surgissant inopinément derrière elle, tandis qu’elle liait de grandes brassées d’herbes dans le champ, il faut que vous me parliez franchement.

Céleste se sentit un froid au cœur. Maintenant, c’en était fait : après la proposition brutale et le refus, le renvoi ! Ah ! qu’avait donc la destinée à s’acharner ainsi sur elle ? N’eût-il pas mieux valu mille fois être morte ?

Comme elle gardait le silence, Jean reprit de sa parole impérative, qu’il tâchait pourtant d’adoucir :

— Lucette, pourquoi ne me répondez-vous pas ? Pourquoi cherchez-vous à m’éviter ?