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quelques minutes, il s’abstint de formuler cette proposition.

— Non, pensa-t-il, celui-ci n’est pas de cette pâte-là.

Et comme, cependant, il avait des hommes une opinion peu favorable, il ajouta, toujours se parlant à lui-même :

— Ou, si jamais il change de caractère, ce ne sera que par suite d’un choc moral. Qui sait !… Il n’y a personne d’invulnérable.

Un son de cloche traversa l’air : l’appel des équipes pour la descente des cages.

— Vous allez être en retard, dit Moschin, courez !

Bernard, stupéfait, regarda le policier, se demandant si celui-ci ne se moquait pas de lui. Il ne doutait pas que cet interrogatoire eût pour conséquence inéluctable son renvoi de la mine. Et maintenant l’homme de des Gourdes lui disait d’aller à son travail.

— Mais allez donc ! répéta Moschin.

Machinalement, et sans s’attarder à vouloir comprendre, le mineur courut à toutes jambes vers l’orifice du puits, où il arriva juste à temps pour sauter dans la cage comme celle-ci commençait à descendre.

— Eh bien, lui demanda un de ses camarades, tu n’es donc pas renvoyé ?

— Non, répondit Bernard.

— Ah ! tu as de la chance, toi ! fit l’autre en le regardant d’une singulière façon.

Et un murmure, semblable à un grognement étouffé, se répandit dans l’équipe.

— Qu’y a-t-il donc ? demanda vivement Bernard.

— Ce qu’il y a, c’est que quarante camarades sont congédiés. Tu es le seul qui reste, et pourtant, il paraît que c’est toi qui as tenu le crachoir contre Moschin, hier, au Fier Lapin.

Bernard fut secoué d’un frisson inexprimable.