avait abandonnés Delmot, éloignaient toute idée qu’il pût être un forçat évadé.
Jouant d’audace, il se présenta au poste de gendarmerie de Thio et pria le brigadier de bien vouloir légaliser son certificat. Le cachet de la mission inspira un saint respect au brigadier qui apposa à côté celui du poste et écrivit au-dessous :
« Vu pour légalisation,
« Jean Bonfay. »
Désormais, Détras pouvait respirer : Carmellini lui-même ne l’eût pas reconnu !
Avec un pareil certificat, il lui était facile d’aller loin. Il alla d’abord à Kuaua et, pendant deux mois, travailla dans une plantation de cafés. Cela lui fit quelque argent, mais le voyage de Nouméa en Europe coûtait cher. Après avoir obtenu de son employeur un certificat non moins excellent que celui donné par Delmot, il alla s’engager comme mineur au claim la Bonne Espérance, de Poro.
C’était son ancien métier qu’il reprenait et cette fois librement, si tant est qu’un salarié puisse être libre !
Six mois et demi s’étaient écoulés depuis son évasion et, maîtrisant son cœur, pas une seule fois il n’avait écrit à sa femme ou à Panuel. C’eût été trop imprudent ; il se rendait compte que, depuis son évasion, Geneviève devait être spécialement surveillée ; une lettre à son adresse venant de la Nouvelle-Calédonie serait forcément ouverte, même si on ne reconnaissait pas l’écriture de l’expéditeur. Non, mieux valait attendre le retour en France, quelques tortures morales que dût éprouver la jeune femme.
Six ou sept mois encore et tout serait dit !
Pour économiser le prix de la traversée, Détras mangeait à peine et ne buvait que de l’eau. Sa dépense se trouvait ainsi réduite au minimum.